Ma vie d’agriculteur
En 1954, je suis revenu définitivement en Bretagne et je me suis marié. Nous nous sommes installés dans la ferme de mes beaux parents. Nous y sommes restés jusqu’en 1963. Durant toutes ces années j’ai pratiqué une agriculture tout à fait traditionnelle mais dès 1955 j’ai acheté mon premier tracteur, un David Brown.
Je rêvais de trouver une ferme à ma convenance. Après plusieurs visites, nous nous sommes installés dans une ferme de 18 ha. Malheureusement elle était très morcelée et les 57 parcelles contenaient 384 pommiers. Mon premier travail a été d’en déraciner le plus possible. Heureusement, à cette époque le gouvernement donnait des subventions pour le faire. Cela m’a été bien utile pour me moderniser et construire mon étable. J’ai très vite remembré mes terres et j’ai réussi à les rassembler. Ensuite je me suis agrandi pour arriver à 38 ha avec les terres de location.
Evolution et modernisation
J’avais envie d’aller de l’avant, et je n’ai pas hésiter à faire des emprunts. D’abord pour construire la maison d’habitation puis pour acheter ma première voiture, une 4 CV.
Toujours à la recherche de modernité, j’ai entrepris la construction de mon étable. Celle-ci pouvait loger une trentaine de laitières. Ce n’était pas une stabulation mais un système de stalles. Grâce à une technique que j’avais vu au Pays-Bas, les bêtes étaient munies d’un collier « américain ». On pouvait en attacher plusieurs en même temps. Ce procédé a suscité la curiosité d’un certain nombre d’agriculteurs. De plus le fumier était envoyé directement dans une fosse grâce à un évacuateur mécanique. Ensuite il était broyé avec le purin.
Pour la traite des vaches, je n’avais pas une salle de traite ultra moderne mais j’avais un transfert, ce qui était appréciable. Pour nourrir mes bêtes, j’ai continué à faire du foin, planter des choux et des betteraves mais très vite j’ai pratiqué l’ensilage d’herbe et de maïs. Pour compléter mes revenus, j’ai fait construire un élevage de veaux.
A cette époque, les cours étaient réguliers et nous permettaient de vivre correctement de notre travail. Le système de quotas laitiers et les aides de la PAC nous ont bien favorisés.
L’agriculture a vite évolué. Le matériel s’est modernisé. Des agriculteurs se sont mis en CUMA mais moi, j’ai préféré faire autrement. J’ai travaillé avec les coopératives et me suis fait aidé par un technicien agricole pour améliorer les rendements. Cela m’a bien aidé mais malheureusement, ces coopératives nous incitaient à utiliser engrais, désherbants et pesticides à volonté et on les croyait. On n’en mesurait pas les conséquences sur la nature.
Finalement, même si je ne suis pas très nostalgique, j’ai eu la chance de voir le monde agricole évoluer, parfois un peu trop vite. J’ai eu beaucoup de réussites mais aussi quelques échecs. Si c’était à refaire, je pense que je travaillerais autrement. J’utiliserais certainement moins d’engrais et de pesticides et peut-être même que je me serais converti à l’agriculture bio.