témoignage

  André, ancien cultivateur, a été un témoin privilégié de l’évolution de l’agriculture dans notre commune. Il nous a fait part de son parcours et donné son ressenti sur les nombreux  changements intervenus en quelques décennies.

Avant et pendant la guerre

    André est  né à Comblessac en Ille-et- Vilaine dans un village, le Leuron, à quelques kms de Carentoir, en 1937, juste avant la guerre. Il évoque avec un peu de nostalgie cette époque où le travail  souvent harassant était compensé par une entraide à toute épreuve :

   « Mes parents possédaient une petite exploitation, chose courante à l’époque.  Mon père, Jean, était quelqu’un de débrouillard et qui allait de l’avant. Ne manquant pas d’idées il ferrait les boeufs, s’occupait des vêlages, des saillies et faisait le pain. Un homme à tout faire dans une période où l’entraide et la solidarité étaient très importantes.

    Avant et pendant la guerre, les vaches remplaçaient les bœufs et on était obligé de les ferrer comme des bêtes de travail. A cette époque les cultivateurs élevaient souvent leurs bœufs. Ils les achetaient jeunes et pouvaient ainsi les dresser à leur guise. Mon père allait à pied à Saint-Gildas-des-bois distant de plus de 40 km pour les acquérir.

   Certains les dressaient puis les revendaient à des collègues moins adroits pour le dressage.

     Moins équipés en matériel (charrue, brabant, charrette, etc) beaucoup des travaux de la ferme se faisaient à la main (lier les gerbes de blé, les ramasser, fagots…) et demandaient une forte dépense physique. »

Après la guerre

 

   Dès les années 50, de nombreuses idées modernistes se font jour. Des jeunes retenus prisonniers en Allemagne ou ailleurs,  sensibilisés à d’autres systèmes de production, veulent les faire partager et les mettre en pratique. La JAC ( Jeunesse Agricole Catholique ) va accompagner cette modernisation et permettre aux  jeunes des campagnes de  sortir de leur isolement. André participe à ce mouvement et se souvient :

 

     « Après la guerre, le monde agricole a évolué. La JAC (Jeunesse Agricole Catholique) animée par de jeunes vicaires nous a sortis de notre  isolement et nous  a sensibilisés à la modernisation de l’agriculture. A Carentoir, plusieurs groupes de garçons et de filles ont été des membres très actifs. Les rencontres initiées par les abbés Besnard et Allain, nous ont permis de réfléchir sur nos conditions et nos méthodes de travail. Cela a modifié profondément le visage de l’agriculture. »

 

    Plusieurs fermes vont modifier leurs méthodes de travail. André et ses parents vont prendre le train en marche:

 

 « A Mauffray où nous sommes arrivés en 1946, nous avons rapidement envisagé des travaux pour améliorer notre confort. La maison d’habitation comportait 2 pièces et le sol était encore en terre battue. Le confort était donc rudimentaire. Heureusement l’électricité est arrivée vers 1948 et pour l’eau on a  installé une pompe dans  le puits. »

 

De grands changements

  Les années 50-60  vont être propices à de profonds bouleversements. Les fermes vont se moderniser et pratiquer de nouvelles méthodes d’agriculture. A Mauffray, André s’en souvient, la ferme va rapidement changer de visage :

   « Notre ferme était relativement importante : 40 ha dont 10 ha de bois. Il a fallu faire un peu de défrichage. Pour le travail  de la ferme, on s’est progressivement mécanisé  et l’on a fait plusieurs acquisitions pour rendre le travail moins pénible: installation d’une trayeuse dès 1952, achat de notre premier tracteur Massey Fergusson avec tout le matériel neuf en 1956.  

   Pour nos déplacements, l’acquisition de notre première voiture en 1954 a été un évènement. C’était une 203 commerciale. Belle occasion pour passer mon permis de conduire en 1955. Par la suite, la voiture va très vite se démocratiser.

   Malgré cette modernisation, l’entraide n’a pas disparu mais elle a évolué. Certains  agriculteurs ont ressenti le besoin de se grouper pour l’achat de gros matériel :

   » A Carentoir nous avons créé une CUMA ( Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole) avec plusieurs cultivateurs. » nous confie André.

 

    Les coopératives ont pris de plus en plus d’importance. Leurs techniciens nous ont souvent inciter à faire le maximum de rendement par l’utilisation massive d’engrais et de pesticides. Ce que regrette André :

      « Nous avons certainement utilisé trop d’engrais et de pesticides mais nous n’étions pas suffisamment informés des effets néfastes de certains produits. Heureusement pour mieux gérer notre ferme, nous avons bénéficié des compétences de notre technicien agricole, Mr Carteau, qui nous a fort bien conseillé. Grâce à lui, nous avons fait une étude pour nous orienter vers la production laitière ou l’élevage de taurillons. Après réflexion, nous avons opté pour cette dernière proposition. Malgré des hauts et des bas, nous avons continué cet élevage jusqu’en 1997.

 

   En quelques décennies, l’agriculture a considérablement évolué. Le remembrement des terres a profondément modifié les paysages mais il a  permis de travailler dans de meilleures conditions. Par contre ces changements ont entraîné de nombreux excès: déboisement inconsidéré, arasement des talus, emploi excessif d’engrais et de  pesticides… Heureusement, les mentalités ont évolué et beaucoup d’agriculteurs se sont orientés vers une agriculture beaucoup plus raisonnée et certains se sont convertis à l’agriculture biologique