Souvenirs de poilus

un carentorien raconte sa guerre

   Joseph Josse est né à Loyat en 1892. Il s’est marié en 1938 et s’est installé au village de Gravot à Carentoir.

Il raconte :

   « Je suis parti soldat le 4 octobre 1913 au 65 ème régiment d’infanterie à Nantes. Le 1 er août, la guerre est déclarée. Le 3 août, on est parti pour le front en train direction les Ardennes. On est arrivé dans un petit village. Il n’y avait plus rien à boire. Quand on arriva, notre régiment se battait déjà. Le clairon sonnait la charge. J’en vis des blessés, quelques morts. Là, je compris ce que c’était la guerre. Je ne savais pas qu’on se tuait comme ça. C’était une boucherie.

   Le lendemain, tous les corps d’armée remontaient sur Sedan. C’était la retraite.

   Puis je fus affecté dans une section de mitrailleuses. J’ai été blessé le 24 octobre 1915 en Champagne Pouilleuse par un éclat d’obus de 75. On combattait avec les masques à gaz, mais on ne pouvait les tenir longtemps, on ne respirait pas facilement avec. Beaucoup de gars de ma section étaient gazés mais on tenait bon. Un jour nous étions restés toute la journée avec une mitrailleuse et je tirais sans arrêt. J’ai eu une citation ce jour-là car j’étais resté le seul de ma section jusqu’au bout. A cette époque j’étais costaud mais ça me faisait un mal terrible aux yeux.

   On était dans notre tranchée à attendre l’heure de l’attaque. Ce jour-là, on avait un peu d’avance, les autres bataillons n’étaient pas sortis de la tranchée. Malgré tout on avait pris facilement la première ligne allemande. Puis, notre artillerie pilonnait. Cela faisait un roulement de tambour. En général, cela démoralisait l’ennemi. Ils étaient obligés de mettre les bras en haut. 

   

   Plus tard, j’ai été blessé par une balle dans la région lombaire. On ne me l’a pas enlevée. Pour commencer, elle me faisait mal, mais maintenant, je ne la sens plus. Le médecin de Carentoir me dit : « Elle est sortie ». Sortie où ? Je l’aurais bien vu sortir.

   Dans la nuit du 10 au 11 août 1918, je fus toute la nuit sous les gaz de 22 h à 3 h du matin. C’est à la suite de cette intoxication à l’ypérite que j’ai eu la croix de guerre.

   Drôle d’armistice

   Le 11 novembre 1918, on était en Belgique. Les Allemands étaient dix kilomètres plus loin dans un petit village. Depuis le matin, on savait, par nos officiers, que l’armistice était signé. Pourtant, avant que le clairon ne sonne à onze heures, notre colonel nous a fait donner un dernier assaut pour déloger les Allemands du village qui était devant nous. On a eu un mort et deux blessés à cause de notre artillerie. Notre colonel avait oublié de la prévenir que nous avancions. Cà nous a fait un mort et deux blessés à quelques minutes de l’armistice.

   Un drôle d’armistice pour nous.