Il fut un temps où, à la campagne, on n’allait pas chez le crémier ou chez l’épicier pour acheter le lait. Il suffisait d’aller à la ferme toute proche et d’avoir le lait directement du producteur. C’était un autre temps.
Découvrez les souvenirs d’une carentorienne qui se rappelle ces moments de son enfance.
Ce soir-là, je descendis la rue de Bourrienne. Nous étions le 8 novembre. L’air était particulièrement doux. Lorsque j’arrivai à hauteur de ma maison natale, parvint à moi cette odeur de feu de bois, de cheminée qui fume. En un instant, mon enfance était là et un flot de souvenirs revint à ma mémoire !
Quelques vingt cinq ans plus tôt, j’arpentais comme ce soir-là, cette rue car c’était « l’heure du lait ». L’hiver j’y croisais de rares personnes ! De son pas lent, Madame Couéraud la sacristine, revenait de l’église où elle avait comme chaque soir, sonné l’Angélus.
La ferme des Letournel là-haut, était éclairée. Je prenais la rampe bordée de troènes pour y arriver. Les gens du centre bourg y accédaient par la seconde entrée, face au cellier. Lorsque la traite n’était pas achevée, nous les enfants « commissionnaires », attendions sagement, assis sur les grands bancs de bois cirés qui bordaient la longue table.
Alexandre, le fermier de retour des champs, se chauffait sous le manteau de la grande cheminée. Lorsqu’il avait plu, il se couvrait le dos d’un sac de jute. Parfois, pour nous faire patienter, il entonnait de vieilles chansons que je connaissais déjà pour les avoir entendues lors des mémorables veillées du nouvel an.