témoignage la salle paroissiale

"je me rappelle du temps où....

   Ah ! La salle paroissiale ! Sa construction par la Maison Le Chêne de La Gacilly, fut sans doute une belle avancée de notre bourg, au milieu des années 30 ! Presque centenaire, elle s’impose encore et attire toujours nos regards !

   Une statue discrète orne sa façade ouest. Elle nous rappelle que l’édifice fut à l’initiative de la paroisse de Carentoir, à une époque où le clergé, œuvrait beaucoup auprès de la jeunesse, notamment celle de nos contrées rurales très enclavées. Elle fut inaugurée en grandes pompes par l’évêque de Vannes en février 1935.

   Le théâtre et les salles du rez-de-chaussée de la façade, furent rapidement mises à profit ! Les jeunes filles du mouvement féminin « Les Bruyères d’Arvor », étrennèrent la scène de notre théâtre, le jour même de l’inauguration !

   Quant aux trois grandes salles, elles ont accueilli pendant des décennies, les diverses réunions de préparation d’évènements sportifs, culturels, (Coupes de la joie, Fête de la terre, Congrès eucharistiques, kermesses, pièces théâtrales), festifs, avec des rencontres autour de « la Galette des Rois » , voir même quelques sages « Boums années 60 » pour les moins de 20 ans de l’époque !

   Les enfants du bourg, avant que la  télévision n’arrive dans chaque maison, ont été nombreux à passer de belles heures de défoulement, autour de cette bâtisse et sur ses cossus escaliers de béton !

   Celui de l’entrée principale (face à la non moins célèbre salle de musique), abritait sous ses marches, la billetterie, dont la porte en deux panneaux, était prévue pour s’adapter en guichet, lors des séances de divertissement.

   Le jeudi, autrefois jour de congé scolaire, nos religieuses incitaient les élèves à se réunir comme le suggérait la revue des «Âmes vaillantes ». On nous recommandait de trouver un « local » pour passer sainement notre temps libre. C’est ce dessous d’escalier étroit qui fut « squatté »! On ne nous en fit jamais reproche car la porte de ce réduit, restait ouverte à tous ! Mais, trop exigu pour accueillir la dizaine de filles du bourg, nos « jeudis de la jeunesse » ne voyaient guère l’aboutissement des suggestions de cette revue emblématique de nos écoles libres !

 

   Rentrons à présent dans notre salle paroissiale !

   Les appliques murales, en plâtre moulé de pur style « Art déco », tamisaient bien la lumière et mettaient en valeur le lourd et beau rideau de scène en velours rouge. En contrebas de la scène, se situait comme dans tout théâtre, la « fosse d’orchestre » séparée du public par une rampe ouvragée en bois. Aujourd’hui, cet espace a disparu et a laissé place à quelques rangées de sièges supplémentaires.

  Nous, les écoliers de Bourrienne et Bel-Air, accompagnés de nos enseignants, y avons découvert les joies du cinéma scolaire, tous les deux mois environ, à la fin des années 50 début 60. Moyennant une petite participation des parents, des films documentaires nous firent sortir de notre petit univers avec en prime les pitreries de Laurel et Hardy « qui mettaient le journal dans le frigidaire pour avoir des nouvelles fraîches » !

   Et puis arrivait la fin d’année avec son traditionnel Arbre de Noël des écoles ! Chaque classe, montait sur les planches pour ravir parents et amis, par des chants, danses ou pastorales.

   Quand on se rapprochait du grand jour, les dernières répétitions se faisaient sur place ! Les maîtresses peaufinaient les mises en scène, dans ce magnifique décor de verte forêt !

   Il régnait sur cette scène une température glaciale !

   Quand arrivait la représentation, le dimanche précédant Noël, les artistes d’un jour, de l’école des filles, se rassemblaient tout d’abord, au rez-de-chaussée de ladite salle paroissiale, pour endosser les costumes ou autres déguisements et recevoir les dernières consignes.

   Tellement concentrées sur l’évènement, on en oubliait le froid de ces grandes salles où le béton avait toute la place. Dans celle du fond, la plus vaste, une exception ! Un escalier en bois, bien à pic et à claire voie, donnait accès direct aux coulisses du théâtre. De le monter n’était pas le plus difficile, le descendre était une véritable épreuve !

   Chaque année, la forêt de la Bourdonnaye, sacrifiait un superbe sapin qui, décoré avec soin par des dames du bourg , trônait à droite de la scène, dans la « fosse d’orchestre » ! Devant le roi des forêts, au premier rang, prenaient place Monsieur le Doyen, Madame la Marquise de la Bourdonnaye et autres Carentoriens, tous intéressés à la bonne marche de nos écoles libres.

   Nos parents spectateurs, occupaient quant à eux, les trois quarts de la salle, derrière les quelques rangs réservés aux élèves, selon la règle suivante : Garçons à droite et filles à gauche !

   Entre chaque scénette du programme, il régnait dans la salle, un brouhaha d’enfants surexcités, gesticulant sur les sièges basculants** d’un inconfort mémorable !

  Les religieuses s’investissaient beaucoup pour ce spectacle de fin d’année. L’excellence de Sœur Hervé se retrouvait dans le choix des prestations de l’école des filles !

   Quand chaque classe était passée sur scène et que tous les écoliers étaient de retour dans la salle, Monsieur le Doyen prenait la parole pour le petit compliment d’usage ! Mais déjà, chacun de nous lorgnait les oranges et sachets de chocolats, bien en évidence dans la « fosse d’orchestre ». Le discours achevé, l’heure était venue de lancer le tourne-disque sur le traditionnel « Mon beau sapin » que nous entonnions en cœur, avant de recevoir, dans un joyeux tintamarre, nos précieuses friandises.

   La salle paroissiale n’avait pas le temps de « refroidir » car quelques jours après les écoles, des acteurs, d’une autre génération l’investissaient, pour y jouer la traditionnelle pièce théâtrale sous la houlette de l’Abbé Allain. 

   À Carentoir, la magie de Noël se concrétisait entre autres, par ce rendez-vous du 24 décembre dans notre théâtre ! Quand les trois coups retentissaient et que le rideau  rouge s’ouvrait en grinçant, on oubliait tout, y compris l’inconfort de l’assise et les maigres degrés de la salle !

 

      Ce soir-là, le vert décor de forêt, n’était plus d’actualité ! Dès le premier acte, nous retrouvions le clair décor d’un intérieur bourgeois et ses trois portes, d’où entraient et sortaient, tour à tour, nos acteurs ! Nous autres, enfants et adolescents, étions en admiration devant nos aînés ! De les voir si près de nous  évoluer ainsi sur la scène, maîtriser ces longues tirades et tellement séduisants dans leurs costumes d’un autre temps ! 

   Au retour, les personnages, leurs intrigues étaient encore dans nos têtes et il n’était pas rare de repartir le lendemain pour la seconde séance !

   Le 24 décembre 1961, le verglas vint surprendre les spectateurs à la fin de la soirée ! 60 ans après, on en parle encore, mais aucun rapport n’est disponible sur le nombre des malheureuses glissades qui  s’ensuivirent !

   La troupe théâtrale de Carentoir de la fin des années 50 début 60, était reconnue dans notre canton ! L’exigence de l’Abbé Allain sur le choix des pièces, de l’attribution des rôles, de la  mise en scène, tout en amenant chaque acteur à donner le meilleur de lui-même, contribua à la renommée acquise au fil des ans.

   Hélas, mariages, naissances, départs de nos acteurs, eurent raison de ces rendez-vous de fin d’année au milieu des années 60.

   Petit retour en arrière dans les années 50 ! Notre salle paroissiale, accueillit également les mémorables « Coupes de la joie » à l‘initiative de la JAC ***!

   La jeunesse du « Doyenné de Carentoir » donnait le spectacle ; chaque paroisse préparant son programme.

   L’une de ces paroisses fut particulièrement appréciée, quand retentit dans la salle, la célèbre valse « Le beau Danube bleu » !  Le rideau s’ouvrit sur les filles de Saint Martin, en vaporeuse tenue de tulle bleu, évoluant sur la plus jolie des Valses de Vienne. Hélas, en cette période où la danse enlacée n’enthousiasmait guère notre clergé, aucun galant Martinais, n’apparut, pour faire virevolter  nos gracieuses demoiselles !

   Nos jeunes Carentoriens ne donnèrent pas dans le même registre ! Certains de nous ont peut-être encore en mémoire cette chanson humoristique, « Les 3 bandits de Napoli », qu’ils mirent en scène ! 

   Dédé Hervé, interpréta avec brio, l’un de ces malfrats…bien sympathiques !

   C’était cela les petits bonheurs de notre enfance puis de notre jeunesse dans le Pays Gallo.

   A noter également que vers 1955-1956, des troupes itinérantes se produisirent aussi sur cette même scène. Les représentations avaient lieu le dimanche soir. Des mélodrames populaires de la fin du 19ème étaient au programme : « La porteuse de pain » et « Les deux orphelines ».

   Chantal Leblanc, fillette à l’époque, fut sollicitée pour de la figuration au cours d’une de ces représentations. Ces soirs-là, on ne faisait pas salle comble !

   Sans les avoir vécues, il nous faut pour terminer, citer les animations de l’avant puis de l’après-guerre 39-45, où des Carentoriens furent remarquables dans leurs prestations théâtrales aux thèmes divers et variés tels que faits historiques, humour, énigmes avec quelques effets spéciaux pour le plaisir des spectateurs… 

   Encore aujourd‘hui, nos aînés Carentoriens octogénaires, font l’éloge de ces acteurs amateurs !

   De leur côté, les jeunes filles montèrent également sur les planches à la fin des années 20 et le début des années 30 !

   Notons que pour la mixité des spectacles, dans nos patronages, il fallut attendre la fin des années 50 !

   Enfin, peu après la guerre 39-45, la salle paroissiale accueillit aussi le grand écran et la projection hebdomadaire de films « grand public ». Les bandes étaient livrées sur des grandes galettes d’aluminium acheminées de Rennes par l’autobus Plantard. Monsieur André Chastagner, électricien de l’époque en fut le promoteur et le projectionniste.

   Monsieur le Chanoine Bruneau qui officiait à Carentoir à cette époque, avait droit de regard sur les films projetés. Cet épisode cinématographique s’acheva vers 1954.

   Un évènement dramatique en France, entraîna la fermeture de notre salle de spectacles pendant quelques années : Après le terrible incendie d’une discothèque à St Laurent du Pont, le 1 novembre 1970 où 146 jeunes périrent dans les flammes, tout établissement recevant du public, dut fermer ses portes et engager les travaux qu’exigeaient les nouvelles normes de sécurité.

   Il fallut patienter quelques années pour atteindre financièrement l’objectif…

   Pour y parvenir, une association fut créée à l’initiative de Monsieur Julien Bayon, Carentorien d’origine. Ce dernier prit en mains le « dossier salle paroissiale » et chemin faisant, l’édifice put rouvrir ses portes !

   La jeunesse de Carentoir n’attendait que cela pour renouer avec le théâtre, à la fin des années 80. On retrouva également sur les planches, quelques acteurs de la première heure !

   Ce fut alors Monsieur Bernard Chesnais qui dirigea la nouvelle troupe et en fut également acteur. Quelques années après, Madame Chantal Becquet, elle-même actrice, prenait le relais de Monsieur Chesnais.

   À cette période, il y eut un engouement général du théâtre amateur dans notre région, ce qui contribua à l‘animation très appréciée des débuts d‘années.

(Notons au passage que l’établissement le Champ’Bord, inauguré en avril 1971, répondait à toutes les normes de sécurité. Il prit donc le relais de la salle interdite, tout au long des années 70 et accueillit les Arbres de Noël des enfants des écoles jusqu’à l’ouverture de la salle du Bois-Vert en 1983)

Extérieur de la salle paroissiale

Vue de l'entrée de la salle de theâtre