Dans un faubourg de Carentoir, Bourienne, le jeune Mathurin Hersart, 14 ans, a du vague à l’âme. Il s’ennuie. Mais lorsqu’il apprend qu’une exécution capitale va avoir lieu sur la grande place du bourg, il n’a de cesse de faire partager son enthousiasme à son entourage.
Et quelle aubaine de pouvoir se distraire gratis ! Il en parle à son voisin, Joseph Garel, qui le dissuade d’aller assister à ce triste spectacle. (Garel restera caché durant trois jours tremblant d’effroi par peur de La guillotine). Rien n’y fait… Il ira malgré cet avertissement. Il sent qu’il a besoin d’émotions fortes. Il sera largement servi ! Son père Jean Hersart ne prend pas parti. Pour avoir acquis la maison de la Marmillière, bien national, il sera fusillé par les chouans de Savigne deux ans après.
Le gringalet se met en route persuadé d’assister à un beau et touchant spectacle. Bien placé près de l’échafaud, Mathurin ne bronche pas lorsqu’il voit la tête de Pierre Chevalier tomber dans le panier.
Le bourreau ou un membre du directoire, peut-être un agent national, on ne sait, l’a repéré et a remarqué sa bonne allure. Ce serait une excellente chose, se dit ce personnage, que ce soit un adolescent qui promène au bout d’une pique la tête toute ensanglantée du supplicié : bel exemple pour les jeunes de ce pays qui en ont tant besoin. Il est fort bon de montrer à la population que la jeunesse sait apprécier les bienfaits de la révolution, sauvée de l’obscurantisme prôné par les prêtres !
Le galopin est donc fermement prié de passer à l’exécution de ce projet. Voici donc notre Mathurin transformé en porteur d’une drôle de bannière, sous l’oeil goguenard de ses copains qui le brocardent en catimini. Le freluquet doit faire le tour de Carentoir exhibant au bout de sa pique la tête du martyr.
Sinistre mascarade ! Il ne se sent pas très malin dans cette posture. Il en sort tout déboussolé, guéri a jamais des affres de l’ennui. Le récit de sa « prouesse » est parvenu jusqu’à nous.